Quand le chemin change de visage
- Maya APRAHAMIAN

- 6 avr.
- 2 min de lecture
Il y a des départs qu’on prévoit, et d’autres qui s’imposent.
Il y a des chemins choisis, et ceux qui s’imposent à nous. Voici le mien en ce début de printemps.
Un jour en moins… ou un de plus. Tout dépend de ce qu’on appelle «chemin».
Mais reprenons depuis le début.
En avril 2024, je me suis lancée sur une voie secondaire de Compostelle : le chemin de Saint-Gilles, aussi appelé Régordane. En solo, avec mon chariot. 270 km du Puy à Arles.
Initialement j’avais plutôt le Stevenson en tête pour cette année. J'hésitais. La distance. Le Mont Lozère et ses températures négatives ou la neige. Puis j’ai eu vent du projet Janabargh, un groupe qui marche chaque année pour la mémoire arménienne. Avant de partir pour l’Arménie, ils s’échauffent sur la Via Podiensis, entre Le Puy-en-Velay et Compostelle, tronçon par tronçon.
Cette année, leur départ était prévu depuis Lauzerte.
J’aurais dû les retrouver là hier soir, entamer la première étape Lauzerte–Moissac avec eux dès ce matin.
Mais la vie en a décidé autrement.
Cette semaine, Philippe, un ami, est décédé dans son sommeil. Un 1er avril. Son dernier poisson d'avril. 63 ans. Sans prévenir.
Changement de cap. Direction Paris. Pour lui dire adieu, samedi.
Mon « Saint-Jacques » a débuté différemment. Dès vendredi.
Par des larmes.
Et un long détour par Notre-Dame de Paris, où je suis arrivée en pleine vénération de la couronne d’épines.
Je n’en savais rien. Mais prier dans un lieu sacré avec des personnes de toutes cultures, même sans être baptisée, reste un moment suspendu.
J’ai prié pour Philippe. Pour ceux qui l’aiment. Pour ce vide qu’il laisse.
La mort nous ramène à notre propre fragilité.
Et à ce qui nous reste quand tout s’effondre : l’amour, la foi, la mémoire.
Dans cette cathédrale ressuscitée, en plein premier carême depuis six ans, l’émotion était palpable.
Et puis, le hasard – ou ce qui lui ressemble.
Philippe était originaire du Gers.
Mon itinéraire, entre Moissac et Mancierte, traverse justement le Tarn et le Gers.
Et ce matin, le fils de mon mari chez qui nous avons séjourné pendant ces deux jours, participe à la Fête de la Coquille Saint-Jacques à Montrouge avec son génialissime triporteur Goutzy. Pourquoi les Saint-Jacques à Montrouge, en banlieue parisienne ? En l'honneur du balisage d'un autre Chemin de Compostelle, celui qui démarre à la Tour Saint-Jacques à Paris.
Quand les signes s’alignent, on ne peut que les accueillir.
Il y aura eu un détour.
Des larmes.
Et un départ différent.
Pas celui prévu. Un départ habité par la présence d'un absent. Avant de marcher 150 kilomètres sur le GR65.
Pour honorer l'instant. Chaque instant. Chaque pas, en mémoire de Philippe. Pour toi, Stefanie.
Ultreïa.











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