
Sur la route de la mémoire
- Maya APRAHAMIAN

- 7 sept.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 sept.
« Il faut cultiver son jardin » : aujourd’hui, c’est notre jardin intérieur qui s’enrichit. Il se nourrit de spiritualité et de mémoire. La Mémoire, avec un grand M.
Direction un lieu saint tout à fait particulier : le temple yézedi Quba Mêrê Dîwanê, érigé en 2015 à 35 km de Erevan. Les Yézidis sont un peuple de kurdes d’Irak frappé par le génocide de 2014. Une communauté qui pratique une religion très ancienne, mystérieuse, héritée du zoroastrisme, centrée sur le Dieu-paon et le culte du soleil.
Le nouveau temple est saisissant. Octogonal, il renferme sept autres octogones intérieurs, sans doute en hommage aux sept anges auxquels il est dédié. Le paon prédomine également dans le deuxième temple situé dans l'enceinte. Cela me rappelle la passion des paons du Roi Soleil et l’île aux Paons, près de Berlin. Un hasard ? Dans les jardins qui l’entourent, un homme se courbe avec grâce au-dessus d'un buisson. Il est vêtu en harmonie avec la nature qu’il taille et sculpte. Image saisissante, presque intemporelle.
Le siège spirituel de l'église apostolique arménienne : Etchmiadzine, dont la première pierre fut posée au IVᵉ siècle. Pas de catholicos en vue ce jour-là, mais une longue procession de prêtres dans l'enceinte la cathédrale refaite. La foule tend des sachets de grains de blé vers la curie, offrande dont le sens m’échappe. Geste de gratitude pour la récolte ? Thanksgiving à l’arménienne ? Mystère, encore.
Le lendemain, renseignement pris, il s'agit de grains d'encens !!! Je comprends mieux.
Le cortège se referme sur le prêtre couronné, sans doute bras droit du patriarche.
Nous filons ensuite vers Zvartnots. Non pas l’aéroport, mais l’ancienne cathédrale, chef-d’œuvre effondré lors d’un séisme au Xe siècle. Haute de 49 mètres, à trois niveaux, elle étonnait par sa forme ronde et ses cinq entrées — comme les cinq doigts de la main, écho lointain à d’antiques croyances. Les tentatives de reconstruction échouèrent, l’architecte étant mort en chemin.
De retour auprès de notre chauffeur, halte au « Tasty House », un repaire discret, presque caché, qui abrite une table d’hôtes généreuse. Poivrons, salades, puis un gâteau de riz irakien aux légumes d’été, accompagné d’une escalope de poulet marinée au citron et aux arbouses. Pourquoi ce plat mérite-t-il d’être cité ? Parce qu’il aurait été servi, un jour, à l’ambassadeur d’Irak en personne. Un clin d'œil à la mémoire des yézedis ? Peut-être.
Délicieusement rassasiés, nous reprenons la route d’Erevan. Cette fois, pour une mémoire plus sombre. Celle des 1,5 million d’Arméniens massacrés en 1915, sur une population de 2,5 millions. Une guide retrace l’engrenage de l’horreur, préfigurant les génocides du XXᵉ siècle. Et toujours, ce refus de reconnaissance des responsables.
Combien d'êtres violés ou crucifiés, comme cet enfant dont la photographie figure au mémorial, faudra-t-il encore pour que la vérité s’impose ?
Toujours au nom des religions. Peut-on encore dire : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » ?







































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