
Dans les hauteurs du Caucase
- Maya APRAHAMIAN

- 9 sept.
- 2 min de lecture
J4
Nous quittons Odzun. Sur cinq personnes, je suis la seule à avoir vraiment dormi. Une famille avec de jeunes enfants a passé la nuit à courir dans les couloirs jusque tard dans la nuit, et le hall, caisse de résonance parfaite, a amplifié leurs cris jusque dans les chambres.
Deux heures de route plus tard, nous atteignons Haghartsin, niché dans les hauteurs de Dilijan. Le monastère, composé de trois églises et d’un réfectoire, a été bâti entre le Xe et le XIIIe siècle. Jadis, le lieu brillait par son art de la miniature.
Après cette visite rapide, nous retrouvons Suren, notre guide local, ancien soldat du Haut-Karabagh lors d'une précédente guerre, reconverti dans la randonnée. L’Arménie s’ouvre doucement à cette pratique, et nous sommes surpris par les panneaux et les marques rouge et blanc qui jalonnent le sentier. Nous apprendrons un peu plus tard que certains s'amusent à détourner les panneaux ou indications afin que les touristes perdus appellent à l'aide… payante évidemment.
Il est presque 11 heures. Suren nous propose deux parcours : un court, un long. Sans trop réfléchir, nous choisissons les 18 km. Mauvais calcul pour moi : dès le départ je souffre. Cinq mois sans randonner, ça se paie. Le dénivelé annoncé à 400 mètres frôle la supercherie : j’en compte au moins 500, voire 600 raides et surtout tout droit. Pourquoi s'encombrer de lacets ? La montée paraît interminable. Notre guide local cavale allègrement et s'arrête pour cueillir diverses plantes pour des horovats.
Les paysages pourraient être splendides, mais les nuages enveloppent tout. Parfois, une crête des montagnes caucasuennes se devine, silhouette fantomatique. Six heures plus tard, nous bouclons enfin le circuit. Nous croisons quelques autres marcheurs : des allemands, des français dont deux marseillais et un couple autrichien-breton qui nous conseille de visiter Tbilissi en Géorgie.
En redescendant vers Dilijan, les paysages rappellent étrangement la Lozère. Mais les barrières bricolées à partir de carcasses de voitures désossées rappellent brutalement que nous sommes ailleurs.
Garen, notre chauffeur arménien nous attend ainsi qu'une famille toutou qui se jette sur nos restes de sandwichs. Globalement chats et chiens ne sont pas gros ici. En tous les cas, les quatre chiens sont beaucoup plus mignons que deux gigantesques patous prêts à nous manger tout cru une demi-heure avant l'arrivée. Promis, l'un des deux feulait. C'est là que la compagnie d'un ancien soldat rassure.
En quelques minutes de voiture, sur la route principale, contraste saisissant : un guest house moderne et élégant nous attend à Dilijan, bien différent de celui d’Odzun.
Dilijan, au-delà de ses eaux thermales, abrite l’un des douze lycées les plus prestigieux au monde : 220 élèves venus des quatre coins du globe, sélectionnés avec soin avant de rejoindre les meilleures universités. Peut-être est-ce pour eux qu’un dignitaire musulman a financé la reconstruction du monastère Haghartsin de ce matin ? Un geste fort, réjouissant.
Quoiqu'il en soit, je retiens la leçon du jour – gratuite, celle-là : ne jamais arrêter de marcher.

















































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