
Des confitures de noix aux menhirs de Carahunge
- Maya APRAHAMIAN

- 12 sept.
- 4 min de lecture
Nous voilà à Goris, la capitale du Syunik que nous nous apprêtons à visiter.
Nous étions venus il y a dix ans et encore une fois, nous constatons l'évolution. Les façades, les routes, les hôtels, même les restaurants qui ont vu le jour depuis.
L'Arménie s'ouvre définitivement au tourisme et attire des voyageurs sans racine arménienne. Des Belges, des Australiens mais également des personnes travaillant à Dubaï en recherche d'une escapade de quelques jours entre deux séjours de trois mois.
Revenons au récit de ces dernières heures.
Notre soirée d'hier à Eghegnazor fut placée sous le signe de la pluie. Un gros orage nous cloue dans nos deux tiny house construites sous le noyer vieux de 70 ans. D'ailleurs le nom du gîte est Under the walnut.
Le temps change, l'automne se déploie… et même l'hiver comme nous le constaterons un peu plus tard.
Nous dînons de spécialités plus ou moins locales sous la pergola qui tient le choc des trombes d'eau s'abattant. Le dessert est l'apothéose notamment la meilleure confiture de noix jamais goûtée.
Cette douceur est préparée avec de jeunes noix vertes cueillies en juin (hunis en arménien). Celles-ci sont divinement al dente. Évidemment, nous craquons.
Le lendemain nous achetons deux pots ainsi que de l'alcool de coings distillés par l'homme de la maison.
Son antre de bouilleur de cru est un paradis. Les Arméniens ont vraiment du savoir-faire en la matière.
Fort heureusement, nous sommes prévoyants. Nous voyageons avec une énorme valise que nous avions laissée à moitié vide afin de pouvoir tout ramener en soute.
Après la nouvelle extase gourmande de la journée, nous prenons la route.
Direction la région de Syunik, adieu le Vayots Dzor.
Des steppes, des montagnes plus basaltiques encore qu'au Vayots Dzor. Des pierres noires certainement secouées par des tremblements de terre successifs.
Au détour d'un virage nous nous arrêtons pour une pause photo avec vue sur un lac. Nous croisons un couple l'octogénaires wallons tombés sous le charme des pays de l'Est : l'Ouzbékistan, le Turkménistan, la Géorgie. Leur guide Abel nous salue et explique être originaire d'un village de Sevan où tous les Arméniens ont les yeux bleus. Une surprise pour moi.
Sur la route de nombreux véhicules militaires viennent à notre rencontre. La frontière avec l'Azerbaïdjan n' est pas loin, surtout depuis l'annexion du Haut Karabagh.
Au fur et à mesure de nos discussions, les langues se délient. La dernière guerre semble avoir été mal préparée … mais sciemment. Un corps militaire composé de mauvais stratèges, des sommes colossales qui auraient circulées entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, des projets de déplacement de 6000 azéris afin de «coloniser» peu à peu le pays non encore annexé, des changements de constitution incluant une renonciation à protéger le Haut Karabagh. Quelle est la part de vérité dans ces rumeurs ? On ne peut que secouer la tête ou plutôt la courber en passant devant les cimetières où fleurissent les drapeaux arméniens sur les tombes de tout jeunes soldats.
Notre prochaine halte est à Zorats Karer ou Carahunge, un lieu spectaculaire et mystérieux. 157 mètres sur 137 mètres d'alignement de pierres, Karer, de Menhirs en quelque sorte, certains percés de manière à pouvoir contempler la lune, le soleil ou différents astres.
Un lieu vibrant qui interpelle, de plus de 6500 ans avant JC. Plus de 60 tombes ensevelies, peu à peu découvertes par des archéologues. Une cercle de pierres où ont été trouvées des squelettes de vierges.
Quoiqu'il en soit, l'alignement avec Stonehenge et les Pyramides formerait une triangle équilatéral.
Je fais partie de ceux qui ne croient pas au hasard. Il semblerait que le «henge» dans Stonehenge ne soit pas une particule étymologiquement habituelle pour cette région britannique et que des ancêtres arméniens du moins originaires de ce coin d' Arménie aient migrés jusque là.
Pourvu que les péripéties géopolitiques préservent ce lieu.
Dans le Haut Karabagh la majorité des sites cultuels ont été rasés sans parler des villages et des populations décimées.
Non loin, dans les montagnes proches déjà poudrées de neige, le site de pétroglyphes Ughtassar. Que nous ne visiterons pas en raison de sa situation critique sur la frontière. Certains pétroglyphes évoquent un globe terrestre divisé en 4 ainsi que la représentation biblique d'Adam et Eve au paradis pommier et serpent inclus ! Le tout, il y a plus de 6500 ans. Un autre pétroglyphe, un bouc, me rappelle son homologue inscrit sur une paroi de la Grotte Cosquer dans les calanques marseillaises. À ceci près que je n' ai aperçu que son artefact au pied du Mucem. Loin de moi l'idée de faire de la plongée mais ceci est une autre histoire.
La journée se poursuit, halte aux cascades de Shaki, liées à la rivière Vortovan coulant du lac aperçu un peu plus tôt.
Pas moins de trois étals dont un de fruits secs époustouflants.. Nous nous chargeons d'abricots et de figues séchées ainsi que de plusieurs saucissons de noix. Rien à voir avec un saucisson de viande. Ce sont des noix enfilées sur un fil lesquelles sont trempées jour après jour dans un sirop de jus de raisin jusqu'à former un saucisson. Tout à l'image de la cuisine arménienne, simple en théorie mais pas pour gens pressés.
Et puisqu'on parle de cuisine, halte déjeuner chez un céramiste à Sissian qui nous détaille avec emphase son logo et sa symbolique ainsi que celle des salières enceintes spécifiques à l'Arménie qu'il a créées. Que j'ai hélas complètement oublié de photographier et que seules les femmes mariées sont en droit de posséder.
Après le déjeuner sur place composé de salades et dolmas, je craque pour deux tasses ornées d'une anse en grenade et en forme de mini djezvé, cette cafetière spécifique au pays. Devinez quoi, l'une d'elle est rose ! On ne se refait pas.
Et tandis que la journée s’achève, je dois recoudre à Goris le bouton de mon pantalon, vaincu par tant de festins. Ce soir, dîner dans un restaurant tenu par deux Arméniennes venues de France.
Je songe à mon rendez-vous chez la nutritionniste fin septembre, que je serais tentée de repousser… Mais demain nous attend une randonnée de 9,5 km avec 800 mètres de dénivelé positif. Envoyez-moi vos bonnes ondes !









































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